Réunion de mars au CDJ : 2 plaintes fondées (Kairos, Le Vif) et 1 demande d’avis sur pratique jugée conforme (BX1)
Le Conseil de déontologie journalistique a adopté trois décisions (deux sur plainte et une sur demande d’avis) lors de sa réunion de mars. Les deux plaintes ont été déclarées fondées (Kairos, Le Vif), et la pratique journalistique soumise à avis – après que celle-ci avait été mise en cause par le CSA – jugée conforme (BX1). En marge de cette demande d’avis, le CDJ s’inquiète de la manière dont le CSA a contourné son obligation de transfert des plaintes en matière d’information au CDJ et a empiété sans complexe sur ses compétences en matière de déontologie.
La première plainte, déclarée fondée (22-06 X c. A. Penasse / Kairos), visait un Facebook Live de Kairos qui couvrait une manifestation contre les mesures sanitaires. La plaignante – policière – estimait que le journaliste y avait montré son image sans son consentement et y assimilait faussement la police aux casseurs. Le CDJ a noté que le média contrevenait au principe général de recherche et respect de la vérité en affirmant à plusieurs reprises, sans l’avoir démontré et sans en apporter la preuve, que la police collaborait avec des casseurs. Il a observé que ce n’est qu’après avoir posé ce fait comme avéré que le journaliste tentait – sans pour autant obtenir de réponse ou d’éléments probants – une démarche en recoupement et vérification, auprès de policiers qu’il interpellait, ou cherchait à obtenir des témoignages via un appel à témoins sur la page Facebook du média, réitérant l’accusation toujours non établie. Le CDJ a constaté que les images ne permettaient pas de reconnaître la plaignante sans doute possible et hors de son entourage immédiat. A considérer qu’elle ou ses collègues aient été reconnaissables, il relève que dès lors qu’ils assuraient leur fonction dans des lieux publics au moment de la prise de vue, ces fonctionnaires s’apparentaient à des personnalités publiques, de telle sorte que l’on ne pourrait considérer d’un point de vue déontologique que leur droit à l’image n’a pas été respecté.
La deuxième plainte, déclarée fondée (22-39 L. Wattecamps c. Le Vif (articles en ligne et posts Instagram), visait deux posts Instagram qui se rapportent à des chroniques dont la plaignante – sexologue – est la signataire. Celle-ci reprochait notamment au média d’avoir modifié certains de ses propos en les faisant passer pour les siens. Le CDJ a constaté que le média avait dérogé au respect de l’art. 3 du Code de déontologie en apportant, avant publication, des modifications de sens dans deux textes de chronique demandés à la sexologue, et en relayant sur son compte Instagram, entre guillemets et sous la signature de l’intéressée, les propos ainsi remaniés. Il estime qu’en procédant de la sorte, le média n’a respecté ni le sens ni l’esprit de l’expertise dont la sexologue, qui engageait sa propre éthique professionnelle, entendait rendre compte avec nuance, tout en lui en attribuant la responsabilité. Le CDJ a également relevé que si le média avait apporté des précisions aux publications après dépôt de la plainte, il ne les avait pas rectifiées explicitement, particulièrement sur Instagram, de manière à permettre aux personnes ayant déjà pris connaissance du fait erroné de s’en apercevoir et de saisir la teneur réelle des faits.
La demande d’avis (22-41 demande d’avis de BX1 relative au « 12h30 » du 13 juillet 2022) concernait une séquence du « 12h30 » (BX1) dans laquelle le média interviewait un pédopsychiatre à propos d’une carte blanche qui traitait de la question de la transidentité chez les adolescents, dont il était signataire. Cette demande intervenait après que le CSA, saisi d’une plainte relative à la manière dont les propos avaient été cadrés, avait, après instruction, classé la plainte sans suite, non sans mettre en cause la pratique du média. Le CDJ a constaté que la gestion et la modération de l’interview en direct de l’expert étaient conformes à la déontologie journalistique : les propos tenus en plateau ne nécessitaient pas d’être recadrés par les journalistes, dès lors qu’ils restaient nuancés et ne versaient manifestement ni dans la stigmatisation, ni dans l’incitation à la discrimination. Le Conseil a par ailleurs observé qu’une des deux journalistes avait suffisamment marqué la distance avec les propos de cet invité qui, sortant du cadre de l’interview, avait soudainement affirmé que « des associations libertaires ou militantes » faisaient de la propagande dans les écoles secondaires, lui opposant sa propre expérience, et soulignant qu’il s’agissait là d’un « sentiment » et non d’un fait. En marge de cette décision, le CDJ a constaté qu’en ne lui ayant pas transféré immédiatement la plainte et en l’instruisant, le CSA ne respectait pas le décret du 30 avril 2009 qui articule les compétences du CDJ et du CSA, s’arrogeait des prérogatives qu’il n’avait pas et portait atteinte à la liberté et l’indépendance du média en cherchant à influer directement sur des contenus d’information.
Début avril, 22 plaintes étaient en traitement au CDJ. Entre fin février et fin mars, 1 plainte a été classée sans suite en application du règlement de procédure qui prévoit que « s’il s’avère qu’avant le dépôt de plainte ou pendant son traitement, la partie plaignante a menacé ou tenté d’intimider le ou la journaliste ou le média mis en cause relativement à l’objet de la plainte, le CDJ se réserve le droit de classer celle-ci sans suite ». 10 autres plaintes n’ont pas été retenues, soit parce qu’elles ne répondaient pas aux conditions de recevabilité formelle, soit parce qu’elles n’entraient pas dans le champ d’exercice de la déontologie journalistique (enjeu déontologique manifestement non fondé ou sans indice de concrétisation dans la production en cause). Tous les plaignants en ont été dûment informés.