Réunion de mai au CDJ : 2 plaintes fondées (Investig’action, Kairos), 1 plainte non fondée (dhnet.be)
Le Conseil de déontologie journalistique a adopté trois décisions sur plainte lors de sa réunion de mai. Deux plaintes, déclarées fondées, concernent d’une part un défaut de vérification et de recoupement de sources dans des émissions de décryptage (Investig’Action) et, d’autre part, une confusion de rôles – journaliste/militant – dans la couverture en direct d’une manifestation (Kairos). La plainte non fondée valide l’identification et l’évocation du passé d’une personne en raison de la nature historique et toujours d’actualité des faits qui lui ont conféré autrefois, même malgré elle, le statut de personnalité publique.
La première plainte, déclarée fondée (22-20 B. Vanseveren c. M. C. / Investig’Action), concernait deux séquences de décryptage en lien avec le conflit russo-ukrainien diffusées sur la chaîne YouTube d’Investig’Action. Le plaignant reprochait au média de se faire le relais de la propagande russe, sans en informer le public, et de diffuser des informations inventées et non vérifiées. Le CDJ a noté qu’en ne vérifiant pas l’origine et la source d’une vidéo amateur censée illustrer la problématique des corridors humanitaires dont il entendait expliquer le rejet par l’Ukraine, le média avait manqué de la distance critique qu’exige l’activité journalistique et s’était ainsi exposé à relayer une rumeur et à servir des intentions sans aucun rapport avec le droit à l’information du public, au détriment de la vérité. Il a également constaté que le média n’avait pas vérifié et recoupé le témoignage dissonant recueilli par la chaîne Donbass Insider, qui donnait une version de la destruction du théâtre de Marioupol qui s’opposait à celle développée dans les médias « mainstream ». Le Conseil a rappelé sur ce point que reprendre des informations (ou témoignages) diffusées préalablement par un autre média n’exonère en aucun cas de procéder à son propre travail de recoupement et de vérification. Il a souligné que pour utile qu’il soit, le travail de décryptage alternatif mené par Investig’Action ne l’exonérait pas de respecter les principes de déontologie qui s’appliquent à la profession.
La deuxième plainte, déclarée fondée (22-26 D. Boulpaep c. A. P. / Kairos), visait la couverture en direct, par le rédacteur en chef de Kairos, dans un Facebook Live, d’une manifestation automobile (Convoi de la Liberté) interdite par les autorités . Le plaignant reprochait notamment au journaliste d’avoir participé activement à la manifestation sous prétexte de couverture journalistique. Bien que reconnaissant l’intérêt général de la couverture de l’événement, l CDJ a constaté que le rédacteur en chef du média avait confondu son rôle de journaliste avec celui d’un manifestant. Le Conseil a en effet estimé que le journaliste avait diffusé des informations qui servaient l’intérêt particulier des manifestants plutôt que l’intérêt général, qu’il endossait continuellement les positions du mouvement dont il ne se distanciait à aucun moment, qu’il donnait ainsi l’impression qu’il prenait part à et promouvait l’action qu’il suivait et filmait, ce qui était de nature à mettre en doute son indépendance dans la couverture de l’événement. Le Conseil a également conclu à un défaut de responsabilité sociale dès lors que ce faisant, le journaliste avait pris le risque d’inciter le public à participer à cette action interdite ou à en faciliter la participation.
La troisième plainte, déclarée non fondée (22-47 Ch. Amory c. G. D. / dhnet.be), concernait un article en ligne de La Dernière Heure relatif à une publication Facebook polémique censée attirer l’attention sur les dangers de l’extrême droite. Le plaignant – l’utilisateur à l’origine du post Facebook – reprochait au journaliste d’avoir publié cet article alors qu’il lui avait indiqué qu’il ne le ferait pas, d’avoir utilisé sa photo de profil pour l’illustrer et d’évoquer ses antécédents judiciaires. Le CDJ a constaté que l’article respectait la déontologie : outre qu’il a relevé que le journaliste avait correctement rendu compte des faits, le CDJ a estimé que rappeler la supposée implication de l’auteur du post – un ex-gendarme – dans un volet de l’enquête sur les Tueries du Brabant tenait à l’ampleur et à la nature des braquages qui avaient conféré à l’intéressé, malgré lui, une dimension publique qui restait, tout autant que les faits non prescrits, à la fois historique et d’actualité. Le CDJ a retenu par ailleurs que le journaliste n’avait pas omis, ce faisant, de préciser à l’intention du public que la personne n’avait jamais fait l’objet de condamnation.
Début juin, 20 plaintes étaient en traitement au CDJ. Entre les réunions plénières d’avril et mai, 1 plainte s’est soldée par une solution amiable. 6 autres plaintes n’ont pas été retenues, soit parce qu’elles ne répondaient pas aux conditions de recevabilité formelle, soit parce qu’elles n’entraient pas dans le champ d’exercice de la déontologie journalistique (enjeu déontologique manifestement non fondé ou sans indice de concrétisation dans la production en cause). Tous les plaignants en ont été dûment informés.