Réunion d’avril au CDJ : 3 plaintes partiellement fondées (DH.be, Le Soir, RTBF), 1 plainte non fondée (RTBF)
5 mai 2021
Le Conseil de déontologie journalistique (CDJ) a adopté quatre avis sur plainte lors de sa réunion d’avril. Trois plaintes ont été déclarées fondées (DH.be, Le Soir, RTBF) et une plainte non fondée (RTBF).
La première plainte, déclarée fondée (19-37 Divers c. S. G. / DH.be) visait un article en ligne de La Dernière Heure qui mentionnait le nouveau lieu de résidence de M. Lelièvre, ancien complice de Marc Dutroux, alors récemment libéré sous conditions. Les plaignants reprochaient la divulgation de cette information qui s’apparentait, selon eux, à un appel au lynchage, et invoquaient la responsabilité sociale du média. Dans son avis, le CDJ a considéré que l’article qui mentionnait, en précisant qu’il n’y faisait l’objet d’aucune surveillance, la commune de résidence de M. Lelièvre, était susceptible de le mettre en danger dès lors que, dans un contexte de chasse à l’homme, l’intéressé avait fait l’objet d’une récente agression. Sans remettre en cause l’intérêt général d’un sujet qui, portant sur une personne devenue publique en raison de son implication dans une affaire judiciaire hors norme, posait la question de sa sécurité au moment de sa libération sous conditions, le CDJ a relevé, dans ce cas et ce contexte exceptionnels, qu’en procédant de la sorte, le journaliste et le média avaient manqué de responsabilité sociale et n’avaient pas porté l’attention nécessaire aux droits d’une personne en situation fragile. Il a rappelé que lorsqu’ils traitent de sujets sensibles, journalistes et médias doivent être particulièrement attentifs aux effets prévisibles qui peuvent résulter de la diffusion de l’information y relative.
La deuxième plainte, déclarée partiellement fondée (20-05 A. Lambert & Strokar ASBL c. A. L. / Le Soir), concernait deux articles consacrés à une déclinaison du projet Strokar à Dakar. La plaignante reprochait un parti pris du journaliste et la diffusion d’informations non vérifiées qui n’auraient pas été rectifiées en dépit de l’engagement pris par le journaliste. Dans son avis, le CDJ a constaté que la brève du Soir qui, partant d’une déclaration publiée dans un autre média quant à une future déclinaison de la structure d’art urbain Strokar dans le cadre de la Biennale de Dakar, y opposait le démenti du directeur de l’événement, n’avait pas respecté le Code de déontologie journalistique à défaut pour le journaliste d’avoir vérifié la teneur des propos d’origine auprès de son auteur. Le CDJ a estimé qu’en omettant cette vérification, le journaliste s’était privé de la possibilité de disposer d’une perspective complémentaire dont il aurait pu apprécier si elle était utile ou non à l’information. Le CDJ a par contre considéré que les autres griefs émis à l’encontre de cette brève (respect de la vérité, rectification, droit de réplique…) et de l’autre article de fond consacré au même sujet (respect de la vérité, vérification, secret des affaires publiques et privées, méthode déloyale…) n’étaient pas fondés.
La troisième plainte, déclarée partiellement fondée (20-38 L. Franco c. J.-C. H. & J. H. / RTBF.be & Vivacité) était relative à un article de la RTBF.be et à une séquence du journal parlé de Vivacité consacrés à un musicien réfugié, en lice pour la pré-sélection (en ligne) de « The Voice ». Le plaignant reprochait aux journalistes et au média de vanter les mérites de ce seul candidat et d’inviter à voter pour lui, ce qui créait, selon lui, une concurrence déloyale dès lors que le concours était organisé par la RTBF elle-même. Dans son avis, le CDJ a constaté que l’habillage télévisuel (bandeau et illustrations) de la séquence du journal parlé de Vivacité en cause telle que diffusée sur La Une, constituait, en combinaison avec la désannonce qui soulignait notamment le bon parcours du musicien dans le concours et renvoyait au site internet de l’événement, une confusion entre information et autopromotion pour le concours. Le CDJ a considéré que seuls l’habillage et la désannonce étaient fautifs, soulignant que le reportage lui-même, réalisé en toute indépendance, ne pouvait être assimilé à une quelconque promotion ou à un appel au vote pour un candidat.
La quatrième plainte, déclarée non fondée (20-53 Divers c. P. C. / RTBF (« Dans quel monde on vit »)), visait la diffusion d’une lettre ouverte de M. De Sutter consacrée aux violences policières lue lors de l’émission radio « Dans quel monde on vit » (La Première / RTBF). Les premiers plaignants – dont certains s’étaient également adressés au CSA qui constatant qu’aux enjeux déontologiques s’ajoutait une éventuelle atteinte aux dispositions légales applicables aux médias audiovisuels avait sollicité l’avis du CDJ – considéraient que cette lettre constituait une incitation à la haine et à la violence à l’encontre des policiers belges qu’elle diffamait, tandis que les seconds estimaient que son retrait par la RTBF, à la suite de pressions des syndicats de police, constituait une atteinte à la liberté d’expression et d’opinion. Dans son avis, le CDJ a déclaré ne pas se prononcer pas sur les griefs émis à l’encontre de l’auteur du texte qui n’était pas journaliste, mais a relevé, sans se prononcer sur l’éventuelle incitation à la violence des propos librement tenus par cet auteur, que leur impact prévisible sur certains auditeurs nécessitait qu’un cadrage soit pris, en toute responsabilité sociale et le cas échéant a posteriori. Il a constaté, en vertu des dispositions déontologiques, au vu de la nature du billet (une opinion tierce), du caractère non flagrant de l’illégalité du propos et du dispositif d’interaction usuel de l’émission, que le journaliste n’avait pas manqué de prudence et de responsabilité sociale en ne prenant pas ses distances avec les propos de l’auteur. Le CDJ a également observé que dès lors qu’il avait jugé la conclusion du texte susceptible d’être interprétée comme un appel à la violence envers les policiers par une partie du public, le média avait, en vertu de sa responsabilité sociale, pris les mesures qu’il jugeait nécessaires dès que possible et après diffusion, notamment pour retirer les propos contestés de ses plateformes et informer le public des raisons de ce retrait. En conséquence, le CDJ a déclaré que la plainte était non fondée pour ce qui concernait le journaliste et le média. Cet avis a été transmis au CSA conformément à ce que prévoit le Décret du 30 avril 2009 réglant les conditions de reconnaissance et de subventionnement d’une instance d’autorégulation de la déontologie journalistique.
Fin avril, 43 plaintes étaient en traitement au Conseil de déontologie journalistique.