Réunion d’avril au CDJ : 3 plaintes fondées (Kairos (2), Sudinfo)
Le Conseil de déontologie journalistique a adopté trois décisions sur plainte lors de sa réunion d’avril. Les trois plaintes, déclarées fondées, concernent l’absence de sollicitation de droit de réplique en lien, pour l’une, avec un manque de confraternité (Kairos), pour l’autre avec la publication d’un courriel privé (Kairos) et pour la troisième avec la diffusion d’une vidéo amateur dont le média avait, en dépit d’un traitement prudent, pris le risque de rendre reconnaissable la personne filmée (Sudinfo).
La première plainte, déclarée fondée (21-23 RTL Belux c. A. P. / Kairos), concernait quatre Facebook Live de Kairos organisés à la suite de conférences de presse gouvernementales sur la gestion de la crise sanitaire. La partie plaignante reprochait principalement au média d’y présenter ses opinions comme des faits, de manquer de confraternité et de porter atteinte à la réputation et à l’honneur d’un de ses journalistes. Le CDJ a constaté que le rédacteur en chef de Kairos entretenait dans le commentaire de ces différentes vidéos une confusion constante entre relation de faits et opinion personnelle. Il a également relevé qu’il insinuait, de manière répétée, à l’appui de l’image d’une simple interview entre un journaliste et un ministre, qu’existait entre ces derniers une connivence qu’il dénonçait. Le CDJ a considéré qu’il s’agissait là d’une accusation grave non établie susceptible de jeter le doute sur la probité, la loyauté et l’indépendance professionnelles du journaliste et de son média, clairement identifiés. Il a noté qu’en plus de constituer un manque évident de confraternité, cette accusation nécessitait l’exercice d’un droit de réplique qui, s’il était rendu impossible par les conditions du direct, aurait néanmoins dû être signalé au public via un avertissement explicite, ce qui n’avait été le cas dans aucune des séquences.
La deuxième plainte, déclarée fondée (22-32 A. Samuel c. A. P. / Kairos), visait l’interview, par Kairos, en Facebook Live d’un médecin qui commentait la gestion de la crise sanitaire. Le plaignant reprochait au média d’avoir, à cette occasion, diffusé les courriers privés qu’il avait envoyés au rédacteur en chef de La Libre en réaction à la publication de deux cartes blanches – selon lui mensongères – de ce médecin et laissé ce dernier formuler des menaces d’ordre juridique à son encontre durant le direct, sans lui avoir donné la possibilité de faire valoir son point de vue. Le CDJ a relevé que le rédacteur en chef de Kairos, qui avait préparé l’entretien et disposait préalablement à ce dernier de documents communiqués par son invité, n’avait ni vérifié ni recoupé, auprès de son signataire, la teneur d’un courrier privé dont il était prévisible, voire prévu, qu’il soit évoqué pendant le direct. Il a également constaté que le rédacteur en chef n’avait à aucun moment cadré les propos de l’invité qui en exagérait et tronquait visiblement la teneur, et en avait de surcroît diffusé un extrait pour appuyer une accusation en diffamation dont il n’attestait pas, et à l’égard de laquelle il n’avait pas non plus mis en œuvre les dispositions applicables en matière de droit de réplique.
La troisième plainte, déclarée fondée (22-46 X c. La Meuse Luxembourg / Sudinfo), concernait un dossier consacré à un incident opposant un élève et un enseignant dans un établissement scolaire d’Arlon, dont Sudinfo diffusait la vidéo amateur à l’appui de son enquête. Le plaignant – le professeur – reprochait notamment au média d’avoir permis son identification et de ne pas avoir sollicité son point de vue alors qu’une accusation grave était proférée à son encontre. Le CDJ a constaté qu’en dépit d’un traitement journalistique globalement prudent, le média avait pris le risque de rendre l’enseignant reconnaissable dès lors qu’il avait légitimement choisi, en raison de la nature des faits et de leur ancrage local, d’identifier l’établissement scolaire où l’incident s’était déroulé. Il a noté que ce faisant, le média n’avait pourtant tenté à aucun moment de contacter l’intéressé et de veiller à solliciter son point de vue pour obtenir sa version des faits. Il a également constaté que le média, qui relayait une supposition émise par une source tierce – à savoir la possibilité que le professeur ait d’abord craché sur l’élève –, ne lui avait pas non plus permis d’exercer son droit de réplique avant diffusion, alors qu’il s’agissait là d’une accusation susceptible de porter gravement atteinte à son honneur et à sa réputation.
Début mai, 21 dossiers de plainte étaient en traitement au CDJ. Entre fin mars et fin avril, 1 dossier a été résolu en solution amiable, et 4 plaintes n’ont pas été retenues, soit parce qu’elles ne répondaient pas aux conditions de recevabilité formelle, soit parce qu’elles n’entraient pas dans le champ d’exercice de la déontologie journalistique (enjeu déontologique manifestement non fondé ou sans indice de concrétisation dans la production en cause). Tous les plaignants en ont été dûment informés.