2020, une année déontologique ordinaire malgré une crise sanitaire extraordinaire
29 avril 2021
263 interpellations, soit 153 plaintes et 110 demandes d’information, pour 72 dossiers ouverts, 42 avis rendus et 27 médiations. Le Conseil de déontologie journalistique a de nouveau connu, en 2020, une année d’intense activité, malgré un travail réalisé exclusivement à distance à partir du premier confinement. Fin d’année, il recevait la confirmation d’un financement complémentaire dès 2021 par la Fédération Wallonie-Bruxelles et les éditeurs membres. Un financement qui devrait lui permettre de réduire son arriéré, et de traiter efficacement le nombre croissant de plaintes sans sacrifier à sa mission de réflexion et de conseil.
Cette année, les statistiques du CDJ montrent clairement que l’information de qualité déontologique intéresse de plus en plus le grand public, forcément plus attentif à la couverture d’une pandémie inédite et de « l’infodémie » en découlant. En témoignent d’une part les 153 plaintes reçues en 2020 – dont 77% étaient recevables et dont 47% ont donné lieu à l’ouverture d’un dossier – et d’autre part les 110 demandes d’information, qui provenaient pour 38% du public, 36% des journalistes et 26% d’autres acteurs médiatiques, juridiques ou institutionnels. Le CDJ pointe notamment la place des demandes relatives au traitement médiatique de la crise sanitaire, dans le chef du public, sur le suivi des règles sanitaires par les journalistes, qui ne relève pourtant pas de la déontologie.
Une démarche « citoyenne » en expansion
Dans les plaintes soumises à instruction, celles provenant d’individus agissant simplement en utilisateurs des médias (44%) commencent à concurrencer celles de personnes directement concernées par les productions en cause (56%), contrairement aux années précédentes. Par ailleurs, ces plaintes résultant d’une démarche « citoyenne » portent moins souvent qu’avant sur des enjeux déontologiques à visée sociétale ou médiatique et mentionnent plus fréquemment les principes de recherche et de respect de la vérité.
Parmi les 51% de plaintes partiellement ou totalement fondées, les griefs les plus courants portent sur le non-respect de la vérité, le défaut de vérification, l’atteinte aux droits des personnes – dont le droit à l’image – et l’atteinte à la vie privée, soit des manquements qui reflètent les préoccupations des années antérieures.
Un intérêt plus marqué pour la télévision et le service public
En 2020, 47% des plaintes visaient des contenus numériques, dont certains diffusés sur les plateformes et les réseaux sociaux. Cette évolution s’inscrit dans la tendance observée les années précédentes. De façon plus surprenante, 38% des plaintes entrantes concernaient l’audiovisuel « historique ». Ainsi, pour la première fois dans l’histoire du CDJ, l’audiovisuel – et plus particulièrement la télévision – devient le média le plus visé par les plaintes. Sans doute faut-il y voir l’effet des confinements, qui ont modifié les pratiques des utilisateurs des médias au point que les journaux télévisés ont enregistré des records d’audience.
37% des plaintes visaient par ailleurs la RTBF. Hormis le fait qu’il résulte certainement d’une offre d’information abondante, ce phénomène peut renvoyer aux attentes élevées que les spectateurs conservaient à l’égard des médias consultés en ce temps de crise, et en particulier envers le service public.
Une résorption progressive de l’arriéré
Sur les 42 avis adoptés en 2020, 17 concernaient des dossiers ouverts en 2018, 14 des dossiers ouverts en 2019 et 11 des dossiers de l’année. La durée moyenne de traitement des dossiers, toujours importante en raison de l’arriéré, a connu une légère baisse en 2020, malgré l’accroissement du nombre de plaintes et de dossiers. Celle-ci est passée de 352 jours à 264 jours pour un avis (soit un retour à la « normale », similaire aux chiffres de 2018). Cette évolution positive tient certainement à l’engagement temps plein sur fonds propres d’une assistante juridique, venue compléter l’équipe du secrétariat général. L’examen moyen d’un dossier était par ailleurs de 59 jours dans le cadre des médiations et de 8 jours maximum pour les plaintes irrecevables et manifestement non fondées ou sans enjeu, selon le délai fixé par le règlement du CDJ.
Si le financement complémentaire paritaire du CDJ confirmé dans l’année tant par les éditeurs membres que par la ministre des Médias permet d’envisager avec optimisme la résorption progressive de l’arriéré, la révision du règlement de procédure devrait également servir à répondre à l’augmentation continue des plaintes et demandes d’information, sans sacrifier la rigueur, l’équité et la qualité des décisions du Conseil.
Outre des dossiers sensibles ou complexes qui exigent des débats longs et pointus, diminuant ainsi le volume de dossiers traités en séance, le CDJ note effectivement des questions de procédure plus fréquentes, en lien avec la tentation de certains plaignants de se diriger vers une forme de judiciarisation de l’instance. Des mesures seront donc envisagées pour éviter les procédures abusives qui ralentissent le processus décisionnel du Conseil.
Un agenda chargé pour 2021
Sur le plan des partenariats et relations extérieures, l’année a commencé par un forum européen prestigieux à Bruxelles, consacrant par la même occasion le dixième anniversaire de la mise en place du CDJ. Toujours dans le cadre du projet Media Councils in the Digital Age cofinancé par la Commission européenne, le CDJ a participé à une recherche interuniversitaire sur la perception de la déontologie par les jeunes journalistes et a lancé une campagne de promotion des conseils de presse auprès du grand public.
Les défis de l’autorégulation journalistique à l’ère numérique – et plus particulièrement la question des frontières de l’information et du journalisme ainsi que celle de la responsabilité déontologique des journalistes sur les réseaux sociaux et les plateformes – seront au cœur des travaux du Conseil en 2021, notamment à travers un cycle de webinaires qu’il organisera avec ses homologues européens. Avec un renouvellement de sa composition à la fin de l’année, 2021 s’annonce riche à bien des égards pour le CDJ.