Réunion de juin au CDJ : 3 plaintes fondées (journalistes (3)), 1 plainte non fondée (Le Soir)
Le Conseil de déontologie journalistique a adopté quatre décisions sur plainte lors de sa réunion de juin. Trois de ces quatre plaintes, déclarées fondées, visaient des contenus journalistiques (un fact-checking, un témoignage et une enquête) spécifiquement diffusés sur des plateformes numériques (Twitter, Facebook, blogs).
La première plainte, déclarée fondée (22-14 O. Meunier c. M. H. (Facebook & Twitter) concernait un fact-checking réalisé sur Twitter et Facebook. Le journaliste y vérifiait les déclarations de la plaignante – une personnalité publique – quant à sa démission du poste politique qu’elle occupait. Celle-ci reprochait au journaliste une analyse partiale, lacunaire, biaisée, diffamante et non vérifiée. Bien que le journaliste ait fait état de plusieurs sources et pièces à sa disposition, le CDJ a observé que ces dernières, en l’état, ne lui permettaient pas d’établir avec certitude tous les faits qu’il avançait : il aurait donc dû les recouper auprès d’une source de première main, soit auprès de la personne en question. Il par ailleurs relevé que solliciter son point de vue avant diffusion aurait été d’autant plus nécessaire que des accusations graves étaient portées à son encontre. Le CDJ a souligné que l’exercice du droit de réplique, comme la recherche de la vérité, est une exigence déontologique que l’usage d’un format court – qu’il s’agisse de Twitter ou d’autres supports – ne peut en aucun cas altérer.
La deuxième plainte, déclarée fondée (22-22 M. Sel c. M. L. (via Medium.com)), visait un article en ligne diffusé sur une plateforme de blog dans lequel une journaliste témoignait de son propre vécu quant à des faits de harcèlement. Le plaignant – blogueur – reprochait à la journaliste d’avoir publié à son propos un article calomnieux, dénigrant, non sourcé et mensonger. Notant que la nature subjective de l’article ne faisait aucun doute pour les lecteurs, le CDJ a cependant relevé que la journaliste avait émaillé son récit de propos relatifs à des personnes tierces – dont le plaignant – qu’elle désignait nommément, les mettant parfois directement en cause. Le CDJ a estimé que ce faisant, la journaliste aurait dû à tout le moins recouper sa version et son analyse des faits soit à celle du plaignant, soit à des sources non concernées et étrangères au conflit qui les opposait. Au vu des accusations graves de harcèlement ou de complicité de harcèlement émises de manière affirmative à l’encontre du plaignant, le Conseil a également retenu que la journaliste aurait dû lui offrir, avant diffusion, la possibilité d’exercer son droit de réplique.
La troisième plainte, déclarée fondée (22-29 M. Leroy c. M. S. / « Un Blog de Sel »), visait l’enquête qu’un blogueur avait consacrée à des faits de harcèlement et à leur suivi judiciaire, ainsi que plusieurs tweets y liés. La plaignante reprochait principalement au journaliste d’avoir publié un article mensonger et approximatif, de ne pas avoir vérifié ses informations, et de présenter son opinion comme des faits. Le CDJ a estimé que la thèse du journaliste – selon laquelle la plaignante aurait créé elle-même le compte Twitter contre lequel une consœur avait porté plainte pour harcèlement en 2017 – relevait de sa liberté rédactionnelle, que les informations publiées avaient fait l’objet d’une enquête sérieuse et que le journaliste avait fait globalement preuve de prudence dans la rédaction de l’article. Pour autant, le CDJ a relevé que cette prudence faisait défaut dans la rédaction de la conclusion et du titre de l’article qui résumaient de manière affirmative et péremptoire les résultats de son analyse alors que ces derniers ne reposaient sur aucune preuve directe mais bien sur un faisceau d’indices qu’il avait interprétés.
La quatrième plainte, déclarée non fondée (23-05 K. Waringo c. P. L. / Le Soir (Immo)), visait l’interview, dans Le Soir, du directeur d’une société immobilière. La plaignante reprochait au journaliste de ne pas avoir vérifié les déclarations de l’intéressé, comparant l’article à une démarche de « journalisme d’entreprise » ou de communication. Le CDJ a considéré que l’interview était conforme à la déontologie. En plus d’avoir relevé qu’aucun élément du dossier ne permettait de mettre en doute l’indépendance du journaliste ou du média dans le choix et la rédaction de l’article (ou des questions posées), le CDJ a noté que l’angle du traitement journalistique, lié à l’actualité de la rubrique (marché de l’immobilier), était strictement informatif et présentait un réel intérêt journalistique. Le Conseil a également retenu que l’article, le titre et la vidéo qui y était associée n’étaient pas trompeurs, qu’aucune information essentielle n’avait été omise et que le journaliste n’avait pas manqué de prendre ses distances par rapport à sa source.
Début juillet, 21 plaintes étaient en traitement au CDJ. Entre les réunions plénières de mai et juin, 4 plaintes reçues n’ont pas été retenues, soit parce qu’elles ne répondaient pas aux conditions de recevabilité formelle, soit parce qu’elles n’entraient pas dans le champ d’exercice de la déontologie journalistique (enjeu déontologique manifestement non fondé ou sans indice de concrétisation dans la production en cause). Tous les plaignants en ont été dûment informés.