Le CDJ participe à une mission de l’Organisation internationale de la Francophonie en Tunisie
L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) s’est impliquée de manière concrète dans l’accompagnement des processus démocratiques à l’œuvre dans plusieurs de ses États membres, et notamment en Tunisie. À l’occasion des récentes élections présidentielle et législative (le 15 septembre et les 6 et 13 octobre 2019), l’OIF a créé une « commission d’information et de conseil » et l’a chargée d’observer sur place la mise en œuvre de la procédure de vote, de recueillir des informations de première main sur les positions des différents acteurs institutionnels, politiques et de la société civile et, finalement, de rédiger un rapport destiné à la secrétaire générale de l’OIF sur la situation institutionnelle et politique en Tunisie, dans le but de formuler des recommandations et de proposer des appuis opérationnels.
Pour composer cette commission internationale, l’OIF a recherché des personnes de référence dans divers domaines : organisation des élections, droit public, droits humains, sociologie tunisienne, fonctionnement des médias. C’est dans ce cadre que le CDJ a été approché. Le président du CDJ, Jean-Jacques Jespers, a donc rejoint la commission, composée d’experts électoraux venus du Québec, du Gabon et du Cameroun, d’un haut magistrat venu du Niger, de diplomates venus du Ghana et de Suisse, d’une avocate égyptienne des droits humains, de mandataires politiques venus de Serbie et de Roumanie et d’un sociologue français spécialiste de la société tunisienne. En deux voyages (du 11 au 17 septembre et du 2 au 8 octobre), Jean-Jacques Jespers a eu l’occasion de rencontrer de nombreuses personnes. Il a également assisté au scrutin dans des bureaux de vote, en tant qu’observateur, le 15 septembre et le 6 octobre. Ses notes doivent nourrir le rapport final.
Parmi les personnes rencontrées par Jean-Jacques Jespers, notons spécialement Néji Bghouri, secrétaire général du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) et Nouri Lajmi, président de la Haute autorité indépendante de contrôle de l’audiovisuel (HAICA, le « CSA tunisien »). Il en ressort notamment que le processus de création d’une instance d’autorégulation des médias d’information tunisiens est en cours et soutenu notamment par la HAICA, mais progresse difficilement. Le projet, inspiré de l’exemple belge francophone et porté par l’Association d’appui au Conseil de presse, bute sur divers obstacles, notamment la passivité des autorités politiques et le manque de moyens. Il est soutenu par l’association des éditeurs de presse, le SNJT et la Ligue de défense des droits de l’Homme. L’Union générale des travailleurs tunisiens et les éditeurs de médias audiovisuels ont été invités à rejoindre l’Association. Le Conseil de presse comptera 7 membres : le président (ou la présidente), trois hommes et trois femmes. Parmi eux, notamment, une bloggeuse, un universitaire, un ancien journaliste de l’agence AP, un ancien juge. La présidence a été offerte à Souhayr Belhassen, ancienne présidente de la Fédération internationale des droits de l’Homme. Comme dans la Fédération Wallonie-Bruxelles, la moitié du budget de fonctionnement doit prendre la forme d’une subvention publique, mais ce point dépendra de la future majorité gouvernementale. La HAICA, quant à elle, elle est concentrée sur la mise au point de la nouvelle loi sur l’audiovisuel, enjeu d’un débat fondamental entre partisans et adversaires d’une régulation indépendante.
Globalement, la liberté de la presse est respectée et bien vivante en Tunisie, mais plusieurs observateurs se plaignent du manque d’impartialité de certains médias et journalistes ainsi que de la prolifération des fausses nouvelles, principalement sur les réseaux numériques. Un processus de lutte contre les fake news a été initié par la HAICA, s’inspirant des programmes mis au point en Argentine et au Mexique. Dans le monde médiatique tunisien, l’impression générale est celle d’un foisonnement réjouissant, d’une volonté croissante de professionnalisme, mais aussi d’excès semblables à ceux que l’on peut déplorer ailleurs et qui rendent indispensable la création d’un Conseil de presse.